Intelligence artificielle, foutage de gueule bien naturel

Ceux qui me connaissent savent que je déteste les fameux « ayant-droits » (producteurs, éditeurs, etc.) qui s’accaparent la propriété intellectuelle des créateurs à des fins mercantiles et constituent une espèce parasite particulièrement vorace. Avec l’émergence de l’Intelligence Artificielle (IA), il était évident que ces braves gens finiraient par trouver un moyen de flouer davantage les créateurs.

Coup sur coup, deux communiqués de presse ont été publiés qui vont effectivement dans ce sens. Cela s’ajoute aux premiers pas des acteurs purement IA dont j’ai déjà eu l’occasion de parler.

Le premier communiqué s’intitule (en Anglais) : « Universal Music Group and Stability AI Announce Strategic Alliance to Co-Develop Professional AI Music Creation Tools » [Universal Music Group et Stability AI annoncent une alliance stratégique pour co-développer des outils professionnels de création musicale par IA]. Dans ce communiqué, on apprend ainsi que l’IA de Stability AI va pouvoir utiliser les créations détenues par Universal Music pour permettre à des « artistes » (méritent-ils ce nom ?) de « créer » (hum) en s’appuyant sur l’intelligence artificielle. Le principe est habituel : pour qu’une IA générative fonctionne, il faut l’entraîner. Une IA copie. Donc, pour avoir de nouvelles musiques, on va juste copier les anciennes en les mélangeant entre elles, en s’inspirant de telle caractéristique de ce succès, de telle caractéristique de cet autre succès, etc. Après tout, pour un ayant-droit, l’artiste est juste un ouvrier spécialisé. Le remplacer par une machine est donc tout à fait naturel.

Le sommet de l’hypocrisie est atteinte avec ce commentaire : « This agreement is an extension of our fundamental orientation that our artists and songwriters are the cornerstone of our business. With AI, as with everything else we do, we start with what best supports our work to help them achieve creative and commercial success and build from that foundation to forge new and better commercial and creative opportunities. » (Cet accord s’inscrit dans la continuité de notre engagement fondamental envers nos artistes et auteurs-compositeurs, qui sont au cœur de notre activité. Avec l’IA, comme pour tout ce que nous entreprenons, nous partons des éléments qui soutiennent au mieux leur travail afin de les aider à atteindre le succès créatif et commercial, et nous développons ensuite, à partir de ces bases, de nouvelles et meilleures opportunités commerciales et créatives.)

Le deuxième communiqué est du même tonneau et s’intitule : « Getty Images et Perplexity signent un partenariat pluriannuel de licence d’images« . Grosso-modo, c’est la même chose. Il est juste précisé, cette fois explicitement, que l’ayant-droit touchera quelques sous en lien avec l’usage des images sources. Ce point n’est pas abordé dans le premier communiqué.

Bien sûr, des êtres humains aussi s’inspirent de ce qui précède. Mais il y a intentionnalité, création au sens plein du mot. Là, il s’agit de singer la création pour se passer de créateurs. Exactement comme d’autres veulent se passer d’acteurs.

On notera cependant au passage que les ayant-droits se tirent une balle dans le pied (voire même une rafale de missiles nucléaires). C’est devenu une habitude chez eux depuis l’émergence du numérique. En effet, la source de leur pouvoir et de leur richesse est la propriété intellectuelle. Or celle-ci suppose que la création porte la marque de la personnalité de l’auteur. Il en résulte un principe simple : une production de l’intelligence artificielle ou assistée par l’intelligence artificielle ne peut être associée à aucune propriété intellectuelle.

Comme les images de robots faisant des doigts d’honneur étaient toutes soumises à droit d’auteur, j’ai demandé à Mistral.ai de me générer l’illustration de ce billet. Autant, moi aussi, profiter.

Et allez donc lire « Sabotage ! » pour vous faire une idée de la connerie de l’intelligence artificielle.